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ALUMNI – Elliott Verdier, la mémoire chevillée au corps

ALUMNI

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14/04/2023

Elliott Verdier est photographe. Passé par l’école de condé dont il est sorti diplômé en 2015, il travaille désormais pour de nombreux titres de la presse nationale ou internationale sans pour autant délaisser ses projets personnels photographiques centrés autour de la résilience et la mémoire…

De Roschdy Zem, acteur, à Cookie Kunty dragqueen à succès en France, en passant par Thomas Piketty économiste français, Elliott Verdier se plaît à photographier des personnalités de différents horizons pour M Le Monde ou encore Le New York Times. En parallèle, il développe des projets photographiques personnels. Le dernier, Reaching for Dawn, a fait lobjet dun livre paru aux Editions Dunes, récompensé par le Prix HiP du livre-photo 2021. Il est actuellement exposé à la Galerie Echo 119 jusquau 20 mai 2023 à Paris. Il a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions…

Comment te définirais-tu comme photographe ?
 
Je dirais que je suis plutôt photographe documentaire. Quand je suis à Paris, je travaille régulièrement pour la presse plutôt en portrait notamment avec le New York Times et, en parallèle, je mène des projets à long terme dans des pays quon connait peu sur des sujets qui traitent de thématiques autour de la mémoire collective, la résilience et la transmission intergénérationnelle. Ces projets me permettent dobtenir des publications dans la presse, des expos et des livres et me donnent une visibilité qui me permet aussi de travailler dans la presse en tant que portraitiste. 

Te sens-tu proche parfois dun journaliste 

Non, je ne me considère pas du tout comme journaliste même si je peux traiter de sujets de société. Ce que je vais apporter, cest un peu un regard dauteur sur une situation ou un sujet qui peut intéresser certaines personnes. 

Peux-tu nous parler de ton dernier projet, Reaching for Dawn ?
 
Il se passe au Liberia. Cest un projet sur laprès guerre civile (qui sest terminée en 2003).         Depuis aucun homme na été jugé, aucun mémorial érigé, il y a un vrai déni de mémoire collective et un traumatisme encore très présent vu que rien na été fait pour le dépasser. Je dirais que mon travail là-bas s’approche de la photographie documentaire mais va aussi à la frontière de quelque chose de plus artistique, ce nest pas du photo-journalisme, ce sont des photos qui prennent leur temps. 

Comment as-tu réalisé Reaching for Dawn ?
 
Jai fait trois voyages au Liberia, à chaque fois dun mois. Lors de mon premier voyage au Libéria, je nai pas fait dimage. Le but était de me défaire de ce qui m’était parvenu pour poser un regard plus déconstruit, et mieux angler le sujet que je voulais traiter. Un peu comme un repérage. Puis je suis reparti deux fois un mois. Je travaille avec une chambre photographique qui est un appareil à lancienne avec un soufflet, un voile quon met sur la tête quand on prend la photo. Cela nécessite un temps beaucoup plus long où il faut sinstaller, discuter avec les gens, cest un autre rapport vraiment. Cest une technique que jai apprise à l’école et ça a beaucoup servi le projet dont je voulais parler. 

Quest-ce que tu aimes dans la chambre photographique ?
 
Pour moi, au niveau de lesthétisme, cest une technique que na jamais encore égalé le numérique. Cest aussi un temps plus long comme je le disais, où on est obligé de parler aux gens du projet quon va mener et des raisons pour lesquelles ils vont être amenés à poser. Dailleurs, toutes les personnes qui acceptent l’ont fait en toute connaissance de cause et ça les oriente sur leurs expressions. Quand la prise de vue commence, ils sont déjà empreints de tout cela. Pour ce projet-là, nous avons en plus enregistré en studio des témoignages de 7 bourreaux et 7 victimes de la guerre. Concernant mes photos, je naime pas vraiment légender les images avec des textes, je préfère laisser libre court à limaginaire des gens. Retranscrire seulement à travers limage. 

Pourquoi ce nom Reaching for Dawn 

Lors de ce premier voyage où je n’ai pas fait d’image, en discutant avec les gens, je me suis rendu compte que la nuit revenait souvent dans nos conversations comme le moment où le traumatisme refaisait surface et devenait presque palpable. La nuit, on est seul avec soi-même, ses cauchemars, les flashbacks de la guerre… Il m’est apparu que c’est cette nuit noire, pesante, silencieuse et fantomatique qui devait symboliser le traumatisme. Reaching for Dawn ça veut dire parvenir à l’aube, atteindre l’aube, et donc se défaire de cette nuit crasse et dépasser les chaînes invisibles qui ligotent toujours les Libériens et Libériennes.

Quas-tu retenu de tes trois mois passé là-bas 

Difficile et vaste question. Il faut sans doute laisser passer du temps pour se rendre

véritablement compte de ce qui nous reste d'une expérience. Une chose qui restera surement,

c'est cette sensation de percevoir la charge du passé sur le pays et ses habitants. Partout où je

posais le regard, je voyais le chemin qui les avait menéjusqu'ici. Toute l'histoire. Elle avait

comme fondu sur eux, de tout son poids et semblait guider leurs pas.
 

La photographie, cest un domaine qui ta toujours intéressé depuis lenfance 

Oui, j’ai toujours voulu être photographe.

Tu as fait tes études en photographie à l’école de condé. Quas-tu pensé de ta formation ? 

Quand jai intégré l’école de condé, cela faisait seulement trois ans que la formation avait ouvert donc c’était une formation assez jeune. Elle ma permis de gagner beaucoup de temps en termes de maturité artistique. Jai grandi aussi en voyant le travail des autres étudiants, nos échecs et nos réussites, nous avons réfléchi ensemble et forcément ça a fini par développer largement ma culture de limage. Aujourdhui, je pense que tout le monde peut prendre une bonne photo mais tout le monde ne peut en revanche pas être photographe. Je m’explique : avec la technologie actuelle, les appareils sur le marché, on peut évidemment arriver à prendre une belle photo, mais être photographe cest différent, cest construire un corpus dimages qui vont amener à construire une narration cohérente.


Pour découvrir le travail d'Elliott Verdier, c'est par ici

 

 


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